Voyage de contrôle de projet en RDC et en Ouganda
En mai 2022, une délégation de la Commission Etre partenaires a effectué un voyage de deux semaines en Afrique afin d'examiner les projets qui y sont menés. Résultat : nous sommes impressionnés et convaincus d'être sur la bonne voie.
Partner sein,
Depuis les années nonante et la visite de Julia Murbach-Thomson à Bunia, plus personne d’Être Partenaires ne s’était rendue en République démocratique du Congo (RDC)… Et pourtant, notre œuvre d’entraide n’a jamais baissé les bras malgré la situation par moments très tendue, conflictuelle et terrifiante dans les provinces de l’est : Sud-Kivu, Nord-Kivu et Ituri. Notre engagement dans cette région est plus que jamais essentielle. C’est enfin chose faite de venir à nouveau s’en rendre compte sur place, avec le voyage mémorable d’une importante délégation entre le 31 avril et le 15 mai 2022, véritable périple entre le Rwanda, la RDC et l’Ouganda.
Les collines de Kigali
L’A330-300 survole l’équateur à plus de 11’000m d’altitude, tandis que des cumulus montent à perte de vue au-dessus. Le crépuscule arrive, le soleil se couche à travers les nuages de pluie où crépitent des éclairs. Une heure plus tard, les roues touchent le tarmac de Kigali, capital du Rwanda, le pays des mille collines. Immigration sans histoires, hôtel et bon souper. Le matin suivant, dimanche, nous attendons les résultats du test PCR. Puis première immersion dans la tragédie rwandaise de 1994 dont les conséquences ont provoqué la nécessité des projets que nous soutenons en RDC : le génocide. Nous visitons le mémorial et nous nous recueillons sur les tombes de 250'000 personnes massacrées à Kigali, le nombre total des victimes étant estimé à un million de personnes. Seules ou en groupes, des personnes survivantes, parfois avec des jeunes, viennent partager un moment avec leurs proches disparus. La sobriété de la mémoire vivante est admirable, la confrontation avec le pire de l’humanité nous déroute.
Les quartiers populaires de Bukavu
Nous arrivons à Bukavu après un voyage bucolique de plusieurs heures en bus à travers les montagnes du Rwanda. C’est à pied et en tirant nos valises que nous traversons le pont-frontière sur la rivière Rusizi. L’accueil en RDC est fantastique : tous nos partenaires sont à la barrière, grands sourires, embrassades, enfin nous y voici. L’immigration est une sympathique formalité : visite sanitaire, contrôle du visa et puis c’est en cortège que nous rejoignons la résidence épiscopale pour un somptueux goûter de bienvenue préparé par la famille de l’évêque Mgr Sylvestre Bahati Bali-Busane. Puis soirée dans notre pension au bord du lac Kivu, sur la péninsule (un des cinq doigts) qui héberge des dizaines voire des centaines d’organisations humanitaires dont les noms viennent trop souvent dans les nouvelles : ONU/MONUSCO, FAO, PAM, UNICEF, HCR, la Suisse (DDC), MSF, etc…
Les jours qui suivent sont intenses, remplies de visites des différents services médicaux, de développement et de formation du diocèse anglican dans différents quartiers populaires de Bukavu et environs. Des cabanons s’accrochent pêle-mêle sur des pentes vertigineuses, un de ces quartiers est tellement pentu qu’on le surnomme « Quartier Spiderman ». Chaque forte pluie provoque de mortels glissements de terrain. Si les rues principales sont goudronnées, les ruelles sont de terre et d’ornières. L’électricité, l’eau courante et les égouts ne sont pas communs. La population est incroyablement dense et jeune. Voilà les conditions urbaines des projets d’Être Partenaires à Bukavu.
L’efficacité des soins de proximité
Que cela soit au centre hospitalier St-Mathieu ou dans un centre de santé rural comme Kabanda ou Cirunga, aux confins de la zone autorisée pour nous par le service de renseignements, c’est l’efficacité et le dévouement du personnel médical qui nous frappe. Des dizaines de personnes motivées qui s’engagent, se forment, se coordonnent en réseau, au cœur même des quartiers et villages, et qui s’occupent en plus de gérer sur place les programmes de vaccination, de dépistage et de prévention de l’OMS et du PAM (rougeole, choléra, malaria, SIDA, malnutrition, etc.). Avec des moyens très limités, des vies sont sauvées jour et nuit, des bébés arrivent au monde, des femmes traumatisées sont prises en charge… c’est bouleversant de voir en réalité ce que signifie ces codes de projets « K06 Médicaments », « K07 Psychiatrie » etc…
Centre scolaire Shaloom à Ciriri
Des danseurs Bashi nous accueillent au Centre Scolaire Shaloom, avec Augustin Cimole et le comité de SIBAP, l’ingénieur Samuel Mushagalusa Minani et les autorités coutumières et scolaires. La cérémonie est ponctuée de discours et de témoignages. C’est un jalon essentiel pour partager autour de cet important projet de construction de longue haleine en faveur de l’éducation primaire et secondaire des enfants du quartier de Ciriri à Bagira/Bukavu. Comme à chaque visite, Être Partenaires et ses donatrices et donateurs ainsi que notre Église sont chaleureusement remerciés. Et par quelques paroles, nous rendons hommage à tous nos partenaires sur place ainsi qu’aux bénéficiaires, car sans eux l’argent ne pourrait pas se transformer en actions concrets.
Sources d’espoir à Idjwi
En bateau pour le sud de l’île d’Idjwi. En chemin, nous voyons des îlots qui pourraient avoir besoin de notre soutien dans le futur, notamment par le forage d’un puits et l’achat d’une pirogue. Avant de débarquer, il est rappelé à la délégation suisse l’importance de respecter les règles d’hygiène des mains, le choléra étant endémique sur Idjwi. On laisse nos bagages dans une simple mais chouette pension sur la côte, puis en piste à 4x4 et à pieds dans les collines et ravins pour découvrir quelques captations de source. De conception géniale car simple et robuste, ces captations offrent de l’eau potable à des milliers de ménages. Le transport de l’eau reste une corvée surtout pour les femmes (25l par trajet), au moins la qualité de l’eau est garantie. Le dernier né se trouve à disposition d’un village pygmée, pauvres parmi les pauvres, car les Pygmées n’ont pas de terres, et vivaient dans la forêt vierge qui a rétréci (explosion démographique) ou est devenue inhabitable (milices, rebelles).
Aux origines de la vie humaine
En prenant le canot rapide du sud de l’île d’Idjwi pour rejoindre Goma, on admire le paysage qui défile. Parfois, la jungle descend jusqu’aux rives du lac Kivu, souvent les cultures grimpent sur les flancs des collines. A l’ouest et au nord, les sommets des montagnes, et en particulier du volcan Nyiragongo au nord de Goma, se perdent dans les nuages. Des pêcheurs voguent sur leurs pirogues, tout en ramenant leurs filets à un rythme régulier. Au nord de l’île, la houle se forme, les embruns nous éclaboussent. On est dans la région des grands lacs, dans le fameux grand rift de l’est africain, qui écarte la plaque somalienne de la plaque africaine. Et je repense à la remarque de la veille de Bahati Mutunzi : cette région est à l’origine de la vie humaine, une raison supplémentaire voire symbolique d’y revenir et de s’y intéresser.
Goma, nutrition à l’ombre du volcan
22 mai 2021, éruption du Nyiragongo. Nous constatons sur place que des villages ont disparu sous la lave au nord de Goma. Être Partenaires soutient notre partenaire sur place, ASDIG et sa présidente Claudaline Muhindo, à organiser une aide d’urgence aux familles sinistrées, que nous rencontrons.
Puis nous visitons le centre Tumainy pour la nutrition et l’écolage d’orphelins que nous soutenons, ensemble avec d’autres ONG. Claudaline et son équipe réalisent des prouesses, mais les besoins dépassent encore largement les ressources disponibles. Goma s’agrandit, mais donne l’impression de bénéficier d’une bonne gouvernance. Il y a aussi une grande présence d’ONG et d’organisations internationales, ainsi que des casques bleus.
Nous rencontrons aussi Kahwa Njojo, recteur de l’Université anglicane de Bunia, située dans la province d’Ituri au nord-est de la RDC, pour passer en revue ses projets, que nous ne pouvons pas visiter cette fois-ci. Peut-être que certains se souviennent de lui, Kahwa était en visite lors du Synode national à Lancy en 2019 ?
L’Afrique carte postale
Entre les visites de projets en RDC et celles en Ouganda, la délégation s’octroie 2-3 jours de tourisme. C’est l’Afrique carte postale, du lac Kivu jusqu’au lac Victoria, en passant par le nord-ouest du Rwanda, la région des grands volcans avec ses forêts vierges où habitent les gorilles (nous laissons cette rencontre pour une prochaine fois) et collines et vallées ou poussent notamment du riz ou du thé. Nous plongeons dans le lac Bunjonyi au crépuscule. Plus loin, entre soleil et orage, Diana, ranger du parc national Mburo dûment armée de sa kalachnikov, nous initie à la faune et flore de la savane ougandaise : zèbres, impalas, buffles, hippopotames, crocodiles, martins pêcheurs, grues, aigles… et les inénarrables phacochères.
Des décennies de présence catholique-chrétienne en Ouganda
Retour en « terres Être Partenaires » dans la province de Kyotera, à l’ouest du lac Victoria. Kanoni, Bulyakamu et Kiwenda sont des noms connus depuis de longues années. Nous y sommes accueillis par l’évêque Henry et le révérend Fred, avec qui nous inaugurons des puits et des bâtiments scolaires. Partout des centaines d’élèves et de parents ainsi que les corps pédagogiques nous accueillent en musique et chants. Et leur sens de l’hospitalité se retrouve aussi dans des généreux et succulents banquets. On a un peu la peine à suivre le rythme… mais c’est l’occasion de voir le chemin parcouru, et de prendre la mesure de ce qui reste à faire.
Et trop vite arrive le moment redouté : il faut rentrer en Suisse… on passe l’équateur pour se rendre à l’aéroport d’Entebbe pour le vol de nuit pour Bruxelles.
Quelques enseignements et enjeux ?
Le partenariat sur place : incontournable et enrichissant, sans qui rien ne serait faisable ni imaginable.
Aller, voir et essayer de comprendre : sans cela, c’est compliqué voir vain d’essayer de coopérer et être utile.
La dimension humaine est essentielle : les compétences sociales sont la clé de voûte de tout projet de développement.
Effets globaux de crises régionales, impacts régionaux de dérèglements globaux : cela dépasse notre sphère d’influence, mais il faut en tenir compte.
L’énergie, l’eau, l’éducation, la santé, l’alimentation, la paix… : les objectifs de développement durable, l’Agenda 2030, le cadre qui nous aide à mettre des priorités.
Rester humble devant l’immensité des besoins ne veut pas dire rien faire. Aider à s’aider ? Oui, chaque franc est multiplié par nos partenaires et bénéficiaires sur place, par leur travail, leur implication, leur éthique. Des vies humaines sont sauvées et rendues dignes. Merci pour votre soutien !
Et enfin, last but not least, l’amitié: nous avons rencontré des personnes qui sont tout simplement devenues des amies et des amis.
Votre prochain rendez-vous avec Être Partenaires : 17 août 2022
Le mercredi 17 août 2022 se tiendra à la salle paroissiale de la Kramgasse 10, Berne, l’assemblée annuelle d’Être Partenaires, avec la visite exceptionnelle de Mgr Wilson, notre partenaire au Soudan du Sud. Venez nombreuses et nombreux !
Bon à savoir
Pour éviter tout malentendu… Le voyage ne s’est pas fait aux frais de l’œuvre d’entraide Être Partenaires : les participantes et participants ont pris sur leur temps libre et ont financé leur voyage.
Remerciements
Un tel voyage ne s’improvise pas, et la liste des exigences est longue, à commencer par les vaccins et les visas, en passant par l’hébergement et les transports terrestres et lacustres. Rien n’aurait été possible sans l’engagement sans bornes de Béatrice Reusser Rüthy, responsable d’Être Partenaires pour l’Afrique anglophone. Last but not least, nos vifs remerciements s’adressent à nos hôtes-partenaires – dont la liste est longue ! - pour les démarches officielles et guidage sur place, sans qui nous n’aurions pas pu visiter les projets. On citera en particulier les responsables, représentant.e.s leurs organisations : l’évêque du diocèse anglican de Bukavu Mgr Sylvestre Bahati Bali-Busane et toute son équipe, d’Augustin Cimole et SIBAP, de Claudaline Muhindo et ASDIG, Rév. Fred et Mgr Henry…
Ce voyage a été une grande aventure, une avalanche de sensations, d’impressions, de rencontres, de senteurs, de saveurs, de paysages, de sons… parfois au-delà de nos zones de confort. On en sort grandi-e, avec de nouveaux liens d’amitiés. Merci à tous les membres du groupe, et merci à toutes celles et tous ceux qui sont restés au pays pour leur confiance et encouragements.
Franz Peter Murbach
Commission Être Partenaires
Responsable Afrique francophone